Le clown triste
On vit avec depuis longtemps, et pourtant je n'en ai pas souvent parlé dans ces pages, même si lui m'a déjà dit être d'accord pour que je le fasse.
Ce soir, alors qu'il n'est pas là, et après un week-end assez difficile de ce côté là, je me lance donc sachant qu'il comprendra que ce n'est nullement pour l'accabler, mais juste par besoin d' "'évacuer".
Tous nos amis et proches le savent bien entendu, même s'ils n'ont pas toujours conscience de l'impact au quotidien. Certains ont été présents lors d'épisodes très marqués: de ces vacances où il s'isolait en permanence, de ces autres où il ne desserrait pas les dents, ou pire de cette période où il était si mal qu'il n'arrivait plus du tout à trouver ses mots. Ils en ont parfois souffert, mais tous lui ont conservé leur amitié malgré tout.
Parce que la dépression est une maladie, on ne peut lui en tenir rigueur, même si parfois le "secoue toi un peu" (complètement inefficace) nous brûle les lèvres.
Les gens qui le connaissent moins ont souvent du mal à y croire, voir se disent que j'exagère (même si j'en parle peu), tant il peut être drôle et heureux. Soit parce qu'il est dans une "bonne période" soit parce qu'il est capable de passer de la gaieté à la tristesse profonde en quelques heures. Il suffit d'un évènement, d'une pensée, et hop, il bascule. C'est sûrement cela le plus dur à supporter au quotidien.
Un des psy qu'il avait consulté a posé le diagnostique de "maniaco-dépressif ", les autres n'en n'ont, à ma connaissance, jamais parlé mais quand je furète un peu sur le net, c'est aussi ce qui me fait le plus penser à lui.
Ou alors il s'agit de dépression chronique car si l'on sait bien, comment elle est arrivée (harcèlement moral à son travail) on a plus de mal à comprendre pourquoi elle ne disparaît pas.
Quoi qu'il en soit, cela ne change pas grand-chose et la réalité est là. En 12 ans de mariage, la dépression ne l'a guère quitté (j'entends déjà les mauvaises langues dire qu'il n'aurait pas du se marier ;-) même si heureusement, elle desserre parfois un peu son étau mais jamais assez pour lui permettre de vivre sans traitement. Ce traitement à double face: à la fois indispensable pour lui permettre d'avancer dans la vie le moins mal possible et de pouvoir garder le sourire et à la fois source de dépendance (qui comme ce week-end le rend physiquement malade et difficile à vivre dès qu'il vient à en manquer) et d'effets secondaires pas toujours faciles à supporter.
Alors même si cela va considérablement mieux, si je sais qu'il fait de multiples efforts, qu'il a déjà réglé pas mal de ses conflits internes, qu'il finira par trouver le courage d'affronter les autres, cela reste difficile. Pour moi, pour les enfants (qu'est-ce qu'il a papa, aujourd'hui?) mais surtout pour lui bien sûr!
Parce que si je veux bien continuer à supporter ses cris lors de ses cauchemars, ses périodes d'isolement, ses silences, ses difficultés à gérer le quotidien, et à faire des projets, ses sautes d'humeur et autres.... je donnerais vraiment beaucoup pour lui ôter ses idées noires, lui permettre de constater que la vie est belle et surtout de faire en sorte qu'il puisse en profiter.
Maintenant vous savez pourquoi le surnom de Gai-Luron lui va comme un gant.